mercredi 10 février 2010

Face au paradis



(c)Victor Tonelli

Paris, Théâtre Marigny, jusqu’au 8 mai 2010 , de Nathalie Saugeon. Mise en scène : Rachida Brakni. Avec Eric Cantona et Lorant Deutsch. Assistante à la mise en scène : Annette Barthélémy ;Décor : Jean-Marc Sthelé ;Costumes : Arielle Chanty-Stevenet ;Lumières : Katelle Djian ;Musiques : Sylvain Jacques. Théâtre Marigny, Paris 8e, jusqu’au 8 mai. Du mardi au samedi à 21 heures, matinée samedi à 17 h . Loc : 0 892 222 333 et www.theatremarigny.fr. Prix des places : 45, 35 et 25 €

Huis-clos au sein des décombres d'un super marché entre une armoire à glaces de comptable et un gringalet de pompiste, entre Max et Lubin respectivement incarnés par Eric Cantonna et Lorànt Deutsch. Avant même que le rideau se lève le spectateur est immergé dans la situation, aucun de ses sens ne lui seront épargnés. Le décor est d'un professionnalisme et d'un réalisme qui n'ont pas à rougir face à des productions filmiques, une bande son nous accompagne tout le long de la pièce, fracas de l'effondrement, grésillements de câbles électriques, bruits d'eaux s'échappant de canalisations sectionnées......... sans oublier le texte servis par les voix d'un Eric Cantonna (dont on oublie vite l'accent et le passé de footballeur tant il incarne le personnage blessé autant physiquement que moralement), et d' un Lorent Deutsch jouant au plus juste ce jeune pompiste à la fois nerveux et timide, rêveur et fataliste.

Un jeu d'équilibriste pour ces deux comédiens qui auraient chacun pu tirer la couverture à eux et déservir leur compagnon de scène. L'expérience de Lorent Deutsch ne nuit en rien à Eric Cantonna qui somme toute débute au théâtre et l'aspect frêle de Lorent Deutsch ne s'efface pas derrière le charisme de Cantonna. Un bon choix de comédiens qui pourtant me paraissait de prime abord incongru.
Une catastrophe dont on ignore l'origine, accidentelle,naturelle,criminelle fait s'effondrer tel un château de cartes, ou pour respecter l'auteur « un jeu de mikado »,un immeuble comportant un supermarché où nos deux protagonistes travaillent. Ils se retrouvent tout deux coincés au sein du sous-sol effondré du magasin, séparé par un mur à travers lequel ils communiqueront. Max est blessé à la jambe, affaibli. Mis à part le lieu où ils exerce leurs professions, peu de points communs les réunissent: ils n'appartiennent pas à la même catégorie sociale, Max est marié et père de famille et paraît avoir une quarantaine d'années, Lubin semble beaucoup plus jeune et est célibataire. Ils vont nourrir le vide de leur prison de gravas de discussions autour de l'amour, des rêves, des désillusions de la vie, des différences sociales, de la place de l'argent..........tout en espérant la venue de secours qui tardent à venir.

La rencontre entre ces personnages dans une telle situation leur fait prendre une place et tenir des propos qu'ils n'auraient sans doute pas eu l'occasion de tenir ailleurs en d'autres circonstances. On espère avec eux la venue des secours, comme Lubin on apprend à connaître Max et à cerner le personnage, à l'instar de Max on est tantôt touché, tantôt moqueur face à Lubin. Les deux personnages sont aussi attachants, on parvient à imaginer leur quotidien dans leur fonctions si différentes au sein de ce supermarché, dans leur famille, Max avec sa femme qu'il aurait tant aimé reséduire, Lubin avec sa soeur qui semble une image forte et rassurante pour lui ou observant en cachette de loin la caissière « 14 » dont il est épris. Comme eux on se prend à craindre les éboulements, à sentir un goût de poussière puis à s'imaginer dans des circonstances similaires: et si moi je me retrouvais ainsi coincé avec un/un (e) collègue ….....L'actualité fait aussi qu'on ne peut s'empêcher de penser à la situation en Haïti, combien sont restés ainsi ensevelis vivants des jours et des jours, combien ont eu un compagnon d'infortune à qui parler, aurons-nous un jour un témoignage de la nature de ces échanges vitaux?

Mention spécial au décor en tout cas, impressionnant de réalisme et juste parfait. Quelques regrets pour les bribes de paroles de Max avalés par Cantonna où prononcés durant les rires des spectateurs, on a ainsi un peu perdu du texte. Les accessoires dont se servent les acteurs sont bien trouvés, leur jeu est équilibré et juste, le texte est bon, un regret sans doute sur la fin qui aurait gagné à être étoffée.

Je vous conseille cette pièce, 1h20 d'expérience théâtrale intéressante!

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