samedi 4 avril 2009

"de marquette à veracruz" de jim harrison

Au fil des pages, je me suis attachée à ce personnage de David Burkett ( et des pages, il y en a pas moins de 486 !). Pourtant ce n’était pas gagné, pas si attrayant que ça la première approche de cet univers familial dégénéré ! Il est vrai que nous avons là une galerie de portraits singuliers entre une mère à la Sue Ellen titubant entre alcool et medocs, un père pervers qui agresse sexuellement toute jeune fille passant dans la ligne de mire de son regard et de sa braguette, et enfin une petite sœur un brin délurée au caractère bien trempé.

Si l’on dépasse le côté glauque de certains des personnages, on plonge alors au cœur de drames familiaux qui servent de toiles de fond au parcours initiatique de David. Pas facile de grandir avec une telle hérédité ! Comment avoir envie de quitter son univers d’enfant pour celui des adultes quand ceux que l’on côtoie sont de cet acabit ?

Jim Harrison nous entraîne très habilement dans un roman d’éducation plutôt bien écrit avec une thématique pertinente : l’acceptation de soi malgré et avec ses origines familiales, et des sujets adjacents universels tels que les relations parents/enfants, frère/sœur, homme/femme, les turpitudes liées à la sexualité, à la mort……..Il est à souligner également que David se voudrait écrivain et qu’une de ses maîtresses est poète, les thèmes de l’imaginaire de l’écrivain, de la difficulté d’écrire……..sont donc esquissés.

Il y a de l’émotion dans ce livre mais rien qui puisse s’apparenter à du voyeurisme ou de la morale, cette histoire nous est livrée avec simplicité et sincérité. Des portraits touchants (outre celui de David, il y a notamment de beaux personnages féminins) et une belle écriture pleine d’authenticité.

Quand l'art part en vrille!

« -Au début j’ai failli vomir et puis après ça m’a plu.
-ça ne se voit pas tout de suite le talent, Albert….. » in « Musée haut musée bas », Jean-Michel Rives, Actes sud-papiers, 2004

J’avais entendu de bons échos de la dernière pièce de Jean-Michel Rives « Musée haut musée bas » tant dans les médias que dans mon entourage. N’ayant pu m’y rendre, je me suis rabattue sur la pièce-papier afin d’en prendre connaissance.

Il s’agit d’un itinéraire original au sein d’un musée d’art moderne. L’auteur nous entraîne dans une ballade surréaliste et absurde avec un style qui n’est pas sans me rappeler Queneau ou Devos. Les scènes, les salles, les personnages s’y croisent et s’y succèdent dans un rythme soutenu. Il y a une mise en perspective de l’art contemporain, de sa production et de son approche critique. Tout peut-il être art ? Peut-on tout faire au nom de l’art ? Est-t-on dans une société du tout se vaut en art ?

Loin d’être un pamphlet cynique ou un discours philosophique, c’est une pièce excessivement drôle et décalée. Les personnages sont des caricatures, leurs propos hilarants mais le questionnement que soulèvent cette ironie et ce comique est pertinent. On pénètre dans l’univers du cahot artistique et de l’embrouillamini de la pensée.
Les discours prennent plusieurs formes : dialogues, discussions de groupes, discussions familiales, rencontres……

On y côtoie toutes sortes de gens et d’évènements plus extravagants les uns que les autres : un parking sous-terrain où les visiteurs se perdent, des performances hurluberlues, un africain clandestins caché dans des cartons de sculptures, une exposition de photos de pénis…..
Jeux de mots, clins d’œil et double sens règnent dans cet univers langagier. Il y a une quête originale du sens, un détournement du réel, de la logique.
Cette pièce tourne en dérision le culturellement correct et le bon ton. Il y a des dialogues savoureux comme celui entre Sulki et Sulku dont je vous livre un extrait : « Sulki. J’ai honte qu’on ait parlé de la télévision, Sulku ! »
-« Moi aussi……On se rattrape ? »
-« Tout de suite. Tu me fais une sculpture, Sulku ? »
-« Et toi une peinture, Sulki ? »
Ils se précipitent dans des poses ».

Les critiques, le public aspirent à intellectualiser leurs sentiments, leurs émotions ou l’absence de ces dernières et cela donne des propos délicieusement drôles .l’illustre bien les mots des visiteurs lors de l’exposition de photos de pénis (qui n’est pas sans nous rappeler celle de Benetton/Toscanni) :

« Hervé.Non, non je sais ce que tu vas me dire Thérèse, si je suis moi-même très ému par ta propre émotion c’est qu’en réalité ce sont à travers toi les trois cent cinquante photos de bites qui m’atteignent et donc que l’exposition est forte(….) »
Sylvianne : « Et l’immobilité Bruno, c’est ça qui est fascinant, l’immobilité de toutes ces queues !Ce côté mat, pylones. Et ça c’est la photo…La photo, c’est l’objet pétrifié, immobile. »
Simone : « La subversion d’accord, mais dans ce cas-là moi j’appelle l’exposition Zob ! »
Sam : « Tu vas trop loin Simone ! »
Julien « Non mais appeler ça Effondrement du réel, c’est un peu énorme franchement. »
Galienne « Pourquoi ? C’est précisément l’accumulation d’un même motif qui crée l’irréalité…. »
Sam « Et massacre le réel, Simone. »



La lecture de cette pièce m’a fait sourire et m’a rappeler quelques expos parisiennes et certains commentaires ! Si vous êtes parmi les chanceux qui ont vu cette pièce, je serais ravie de savoir ce que vous en avez pensé.

Complot quand tu nous tiens!

Jimmy wood 32 ans, réparateur de piscines dans le Connecticut, sans famille, athé voit sa vie bouleversée par trois envoyés de la Maison Blanche qui viennent lui annoncer qu’il est le clone du Christ.
Peu crédible me direz-vous ? C’est aussi ce que je me suis dit en lisant la quatrième de couverture de « l’évangile de Jimmy » de Didier Van Cauwelaert. Mais bon, j’avais quinze jours de vacances devant moi, j’aime assez DVC et au pire je pourrais faire une mauvaise critique sur pcc !

D’empêche, chapeau bas MrDVC, j’y croirais presqu’à votre complot politico-mystico-scientifique. (faut dire qu’après le Da Vinci Code, on devient parano !).C’est un roman fictionnel d’anticipation plutôt bien ficelé avec moult arguments scientifiques, j’y connais rien aux manips génétiques alors je suis peut être facilement bernable ! Au niveau des références aux textes religieux l’auteur a aussi pas mal bossé le sujet.

On suit le personnage à travers son évolution mystique et on se prend à se dire : « et si c’était vrai ? ».DVC égratigne notre monde d’aujourd’hui à travers le portrait de l’Amérique de demain où les progrès de la science sont aux mains de politiciens et de religieux qui pètent les plombs et se fabriquent un nouveau messie. Tout le monde en prend pour son grade : les portraits des présidents made in USA/TV, de leurs conseillers, des représentants religieux, des journalistes et autres prêcheurs télévisés sont savoureux.

Y règne un cahot spirituel hallucinant et surréaliste mais on ne peut fermer ce bouquin sans s’interroger. Saura-t-on, pourra-t-on borner éthiquement les manips génétiques ? Quel va-t-être l’avenir spirituel et religieux de notre monde ? Sans vouloir entrer dans la parano du complot, comment peut-on garder son libre arbitre face aux manipulations des politiques et des médias ?

vendredi 3 avril 2009

La petite fille de monsieur linhn

« C’est un vieil homme debout à l’arrière d’un bateau. Il serre dans ses bras une valise légère et un nouveau-né, plus léger encore que la valise. Le vieil homme se nomme Monsieur Linh. Il est seul à savoir qu’il s’appelle ainsi car tous ceux qui le savaient sont morts autour de lui. »
C’est ainsi que commence le dernier roman de Philippe Claudel : « La petite fille de Monsieur Linh ». Je l’ai lu d’une traite tant j’ai été touché par le personnage. Il s’agit d’un récit poétique et émouvant : une belle tranche d’humanité.

Un nouveau-né, une poignée de terre et une vieille photographie constituent les précieux biens de Monsieur Linh. Il a quitté ses morts et sa terre natale pour sauver sa petite fille, lui offrir un avenir, une vie.
Arrivé en France, le vieil homme est perdu, il n’y a rien de connu ici auquel il pourrait se raccrocher. Cette terre d’accueil qu’il va devoir apprivoiser lui paraît inodore et sans saveur : « C’est un pays étrange et étranger, et qui le restera toujours pour lui, malgré le temps qui passera, malgré la distance toujours plus grande entre les souvenirs et le présent ». Apeuré, sans repère il reste longtemps cloîtré dans le foyer d’étrangers qui l’a recueillit. « Le pays inconnu l’épuise » mais il trouve une force de vie dans l’amour qu’il porte à sa petite fille, c’est pour elle qu’il se nourrit, c’est pour elle encore qu’il brave ses angoisses et s’aventure peu à peu dans la ville.

Assis sur un banc il fait une belle rencontre en la personne de Mr Bark. Se nouera entre ces deux personnages une solide amitié dépassant les barrières culturelles et de la langue . Ces deux âmes en peine communieront bien au-delà des mots : « Désormais, le vieil homme dès qu’il se lève attend ce moment où il ira rejoindre son ami. Il se dit dans sa tête « son ami » car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le gros homme est devenu son ami, même s’il ne parle pas sa langue, même s’il ne la comprend pas, même si le seul mot dont il se sert est « bonjour ».

Un récit bouleversant plein de poésie et de pudeur qui coule grâce à une écriture épurée et poétique où la simplicité résulte d’un travail d’orfèvre. Un rendez-vous poétique à ne pas manquer.

Mes mauvaises pensées

Tout est là, tous les livres sont là vous savez, il suffit de prendre le soleil de l’hiver, il suffit de s’infiltrer dans la foule et tout commence » Mes mauvaises pensées Nina Bouraoui roman stock 2005 ,p181

« Avec les mauvaises pensées, j’ai si peur de ne plus savoir qui je suis ».ibid,p262

A travers Mes mauvaises pensées, Nina Bouraoui nous livre sa quête identitaire dans un récit d’introspection qui prend la forme d’une double confession à un psychanalyste et aux lecteurs .
Le livre a faillit me tomber des mains à maintes reprises tant je n’arrivais pas à me frayer un chemin parmi ces flots de paroles, que j’ai de prime abord considéré comme narcissique et sans intérêt, me rebutait, sa prose qui semble suivre les flashs d’une conscience qui s’éveille n’était pas non plus aisée à suivre.
J’ai tenu bon et j’ai bien fait de persévérer car j’aurais manqué une belle rencontre.

Son autobiographie, c’est d’abord la nostalgie de l’enfance algérienne. La ville blanche est revue et sublimée à travers le prisme des souvenirs adolescents. C’est une autre vie que l’auteur a du mener à Paris car « il n’y a pas d’enfance en Algérie, il n’y a qu’une première vie ». « Je viens d’où », qui suis-je ? sont bien les deux questions au centre de la quête de l’auteur et elles portent d’abord sur cette terre d’Afrique du nord. S’y déploient des souvenirs sensuels : des images, des parfums, des sensations tactiles qui bâtissent un « édifice sensuel » .
Cette Algérie est un pays fantasmé, celui de l’enfance, de la prime adolescence, celui des origines de la féminité. Faire revivre ce pays intérieur semble être une question de survie pour Nina Bouraoui, pour ne pas oublier, pour retrouver ses origines, pour savoir.Savoir d’où l’on vient pour savoir qui l’on est !


« D’où je viens ? » ramène l’auteur à ses origines familiales : de quelle famille suis-je issue ? l’auteur se plonge au plus profond des liens tissés inconsciemment entre les générations.
Pèse sur elle le poids de relations qui pré-existaient à sa naissance. Sa mère a toujours eu des relations difficiles avec son propre père et a tenté de tenir ce dernier à distance : « Mon grand-père me fait penser à l’Algérie parce que ma mère disait souvent, là-bas : « J’ai dû mettre deux milles kilomètres entre lui et moi ».
Prisonnière malgré elle de ce lien destructeur, elle présent qu’il est en partie à l’origine du mal-être qu’elle éprouve : « Je suis au bout du fil que tendait ma mère avec son père, et je n’arrive pas à le rompre ».
La petite fille, qui souffre à l’intérieur de la femme qui écrit, a soif de savoir, de connaître véritablement qui sont ses parents : « avoue- moi ton enfance papa, avoue moi ton père, avoue moi tes souvenirs, élargis le champs ».Nina Bouraoui prend conscience du rôle qu’elle et sa sœur ont dû endosser auprès de leur mère : des enfants-réparations, des enfants qui doivent apporter à leur mère ce qu’elle n’a pas eu dans sa propre enfance : « Ma mère est silencieuse parce qu’elle est contre sa mère et qu’elle n’a pas l’habitude vous savez ; elle a appris l’amour par ses enfants », « ma mère a réparé son enfance par mon enfance ». Comment devenir adulte quand ce cordon ombilical est si vital , « il faut du temps pour se défaire du lien des ventres ».
L’amour de cette famille a sauvé et construit affectivement cette mère, il lui a donné naissance : « Nous avons engendré ma mère, l’amour de ma sœur, l’amour de mon père, mon amour l’ont construite, l’ont façonnée, c’était nous contre eux ».
Nina Bouraoui semble être l’éponge du passé familial : « Ces histoires font aussi partie de moi, je suis le sujet-buvard ». Elle appartient à la dernière génération et ce poids pèse sur ses épaules, le poids des morts avec lesquels il faut vivre, le poids de ceux qui vont partir et de ceux qui restent et qu’il faut porter.


Au centre de sa quête identitaire il y a également une vrai crise de l’identité sexuelle. C’est avec une grande délicatesse et une grande pudeur que l’auteur évoque ses amours lesbiens.Les souvenirs ne se succèdent pas de manière chronologique, ils se croisent, s’alternent, se fondent.
L’auteur semble fascinée par la féminité de ces autres, par leurs forces, leurs violences et l’aspect maternant de ces dernières. Nina Bouraoui se vit comme le fils que son père n’a jamais eut, comment peut-elle alors s’assumer pleinement femme ? Comment un homme pourrait-il rivaliser avec cette image de père si prégnante ?
Aimer l’autre c’est s’oublier car « il y a dans l’amour une déconnexion de soi », c’est se fondre « au corps de l’autre ».La fusion charnelle touche à l’introspection, à la recherche de soi : « il y a un vertige du corps qui se regarde de l’intérieur ».L’autre semble être son miroir : « quand M dit : « Tu es tombée amoureuse ? » je ne réponds pas, puisque je sais que c’est moi dont je tombe amoureuse quand je pense à vous ». Ces amours restent insatisfaits, seule l’Amie paraît avoir une présence affective constante.


Cette quête identitaire qui veut trouver des réponses pour donner du sens à la vie s’affronte sans cesse au thème de la destruction, au spectre de la mort.
Il y a la mort par noyade, celle à laquelle échappe l’auteur et celle de la petite fille qui a faillit mourir devant elle. On croise aussi une droguée et les angoisses de destruction et de mort qu’elle peut incarner.
Pour moi la mort y est très fortement présente de manière symbolique : tuer la petite fille pour enfin devenir femme, faire taire la « colère », explorer intellectuellement les « phobies d’impulsions » pour ne pas les mettre en pratique et pour aller au fond de soi.Il faut se morceler, se dépersonnaliser pour pouvoir s’incarner, il faut « déconstruire avant de construire ».
L’attirance-répulsion pour la mort est peut être aussi avant tout la peur de vivre avec toutes les émotions qui en découlent et les difficultés à les gérer : « Avant j’avais peur de vivre, c’est pour cette raison que j’avais peur de mourir ».C’est donc à mon sens la peur de ne pas être assez armée affectivement pour vivre.
Nina Bouraoui est certes une petite fille, une femme mais aussi un auteur. Plonger en soi pour elle c’est aussi donner du sens à l’acte d’écrire.L’écriture lui permet tout d’abord de figer ses souvenirs et ses pensées : »tout écrire pour tout retenir ». L’écriture se fait alors restitution de la mémoire affective et sensuelle et le média de la pensée, l’outil qui fait affleurer l’inconscient.
Ecrire, lire, c’est se réfugier en soi, se mettre en retrait du monde. Elle permettent de dresser un mur protecteur entre soi et les autres : « Les livres ont ce pouvoir d’annuler le monde, d’étouffer les cris ; ce sont des livres murailles, il y a plusieurs façons de quitter la vie, les livres sont de cette drogue », « L’écriture vient de là.Je n’ai aucun désir du monde, je ne pouvais qu’écrire en retrait,seule, penchée sur mon bureau, seule avec les spirales de mots ».
En outre, l’écriture n’est pas la retranscription fidèle de la réalité mais d’une réalité, celle de l’auteur.Nina Bouraoui nous donne sa vérité, en cela l’écriture est un « travail de faussaire ».
Néanmoins, si elle n’est sans doute pas objective sur son histoire car elle ne peut l’être, elle donne le sentiment de se livrer sincèrement ou du moins arrive-t-elle à nous le faire croire. Elle se met à nue, partage sa chair avec le lecteur, d’ailleurs : »il y a de la sexualité dans l’acte d’écrire, il y a de l’exposition et de l’intime ».

BREF ……………je vous en conseille la lecture mais elle convient mieux aux longues soirées qu’à la lecture hachée du métro .A mon sens il faut donner du temps à ce récit.Merci à ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu’au bout !

Belle du seigneur

Ma rencontre avec Belle du Seigneur il y a quelques années a été pour moi une révélation, j’y ai trouvé des pensées sous-jacentes que je partage, un style percutant et des personnages attachants.

Ariane le personnage féminin central mène une quête amoureuse motivée par une idéalisation romanesque de l’amour. La quête infantile, illusoire et morbide d’un amour absolu est traitée avec beaucoup d’ironie par l’auteur mais une ironie teintée de psychologie et d’humanité. Cohen tente de prendre de la distance par rapport à tout un héritage romanesque et son ironie subvertit l’écriture du roman traditionnel et ses conceptions.

Ariane est une amante passionnée en puissance : nourrie de lectures et de rêves, elle idéalise l’amour, aimant l’amour avant même de l’éprouver à l’image de l’Emma de Flaubert. Ariane aspire à vivre une vie amoureuse semblable aux modèles romanesques dont elle se nourrit. Le mari d’Ariane : Adrien, est le négatif des amants qu’elle rencontre dans ses romans, son mariage est perçu comme une erreur de parcours. Elle est en attente d’un amant qui se rapprocherait plus du « prince charmant » de son adolescence que du mari dont elle est affublée. Après avoir eu des amants de papier et de songes, c’est bien un être de chair qu’elle rencontrera et qui prendra toute sa valeur en opposition avec le mari. Solal son amant en a conscience et se sert même du mari comme faire valoir dans ses tactiques de séduction : « Deuxième manège, démolir le mari […..] . Tout cela pour que l’idiote déduise que je suis de l’espèce miraculeuse des amants, le contraire d’un mari à laxatifs, une promesse de vie sublime. »

Dans ce roman , le lecteur doit accepté d’être bousculé sans cesse par un double langage, une ironie qui peut faire de lui le complice de l’auteur. La double lecture nous permet de nous interroger sur les intentions de l’auteur, la dualité des personnages. Plus largement ce roman met à nue les antagonismes de l’Homme vis-à-vis de ses relations amoureuses, en particulier lorsqu’elles s’avèrent passionnelles. Cohen pose des questions en évitant soigneusement d’y apporter une réponse, ce qui donne au lecteur un vaste champ de réflexion. Cohen égratigne les homme et les femmes sur ce qui construit leur identité et leur rapport à l’autre : la passion amoureuse, le mariage, la quête de l’identité notamment sexuelle, le poids du social, le rapport au temps, à l’enfance, la maternité, la mort….. Le style est incisif et efficace.

Quelques extraits : « les amantes, une fois que l’homme est malade ou affaibli en un certain lieu de son corps, elles ne lui disent plus de poésies parce qu’il les dégoûte et elles l’ont en grande haine ; les amours païennes genre Anna Karénine ce sont des mensonges où il faut parader, ne pas faire certaines choses, se cacher, jouer un rôle, lutter contre l’habitude. »
Solal : « Femelle, je te traiterai en femelle, et c’est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. A notre prochaine rencontre, et ce sera bientôt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour »
Ariane : « En somme, je suis son esclave. Je me dégoûte de l’aimer comme ça, mais c’est exquis »

Ce roman est un pavé (1110 pages en folio) mais il vaut très largement le temps qu’on passe à le lire et fournit beaucoup de pistes de réflexion sur la nature humaine et ses paradoxes. Bonne lecture !

L'homme dans le labyrinthe

La science-fiction n’est pas le genre tant cinématographique que romanesque qui m’attire particulièrement. La preuve en est : je n’ai jamais pu voir un épisode de Star Wars en entier ! C’était sans compter sur l’être qui partage ma vie qui apprécie ce genre et qui n’allait pas laisser mon intellect à ce niveau de crassitude quant à cette littérature. C’est ainsi que je me suis retrouvée avec l’homme du labyrinthe de Robert Silverberg entre les mains pour les vacances. Pour la seconde fois il est vrai, ayant égaré le premier exemplaire que mon amoureux m’avait offert. Oups ! Si j’ai lu ce livre, c’est d’abord pour lui faire plaisir et pour partager avec lui ce roman qu’il a tant aimé ; je dois avouer que j’en ai fort apprécié la lecture et qu’elle ne m’a coûté nul effort.

Le récit se déroule majoritairement sur Lemnos, planète abandonnée sur laquelle se trouve un « édifice de la dimension d’une ville », une « cité étrangère », un labyrinthe grotesque de « vingt, trente kilomètres de diamètre » accueillant en son sein une multitude de pièges tous plus invraisemblables les uns que les autres : monstres mi-animaux-mi robots, hallucinations visuelles, rideaux de couteaux……..sournoisement disséminés et dissimulés à tel point que « chaque homme qui avait tenté d’y pénétrer avait péri victime d’une des trappes, si diaboliquement cachées dans les zones périphériques ». Deux hommes (et leur équipe) vont pourtant s’aventurer dans ce monde « vide, morne et désolé » et pénétrer au cœur de ce dédale inextriquable : Charles Boardman et Ned Rawlins. Ils ont pour objectif d’obtenir de gré ou de force la participation de Muller à une mission de la plus haute importance pour le sort de l’humanité. Et ce fameux Muller s’est exilé il y a neuf ans dans cette citadelle imprenable loin des Hommes et de leur cruauté. Il est atteint d’un mal mystérieux, renvoyant aux Hommes ce que l’âme humaine peut avoir de plus repoussant et de plus douloureux : « atteint d’une affection répugnante, devenue une abomination aux yeux de ses frères humains. (….) Il était un motif de honte et un reproche vivant à la race humaine, une source de péchés et de douleurs, une blessure béante à la conscience planétaire ». Devenu « misanthrope » de part ces circonstances particulières, il quitta la terre pour cette « planète fantomatique » aux « dédales baroques ».
Paradoxalement, cette « malédiction », qui fit que l’humanité lui tourna le dos et le poussa à la quitter, amène à lui neuf ans plus tard les Hommes dont il semble être l’ultime recours……

Dès les premières pages j’ai eu envie de pousser plus avant ma lecture afin d’en savoir plus sur le mal dont souffre Muller et sur l’étrange mission qui allait peser sur ses épaules. Si ce roman nous présente un monde futuriste peu crédible à priori ( surtout pour une novice en science-fiction comme moi !), je dois avouer qu’au fil des pages, on se familiarise avec ces univers étranges, leurs technologies et le vocabulaire qui y est associé. Sorte de Minotaure du futur qui renvoit à la face de l’humanité sa nature profonde, ses propres travers et sa propre souffrance, le personnage de Muller a une psychologie intéressante.
En outre on ne peut qu’être attentif au jeu relationnel entre les trois personnages autour du pouvoir, de la manipulation et de la sincérité.
Ce roman est également pertinent quant au questionnement qu’il peut susciter. Comment réagirions-nous face à un être capable par sa seule proximité physique de nous faire baigner dans un bain émotionnel constitué de la noirceur de l’âme humaine et de tous les sentiments qui en découlent ?
Si l’on considère le côté anticipation de ce roman, quelle serait la place du corps et de la vieillesse dans un monde où l’on vit plus de 100 ans et où grâce à un « remodelage corporel » on peut espérer conserver un aspect juvénile ? Et enfin, dans un avenir lointain et hypothétique, les avancées de l’aero-spatiale permettront peut-être d’explorer des mondes inconnus. Et si ces mondes étaient peuplés, quelles en seraient les conséquences tant au niveau géopolitique qu’en ce qui concerne la diplomatie ?

Un livre qui gagne à être lu voire même relu afin d’en saisir toute l’essence.
J'ajoute que le groupe Nedra (ex groupe de mon homme) a une super chanson inspirée de ce roman intitulée Lemnos! copiez et cliquez: http://www.musity.fr/u/P0L0/videos/view/nedra-lemnos-raismesfest-2008+2tBIsPC5kgM

Brèves de mômes

Depuis que je suis enseignante en maternelle j’ai collecté quelques réflexions d’enfants qui ne sont pas piquées des hannetons, en voici un florilège :


-un enfant avec qui je reste attendre ses parents qui tardent à venir le récupérer en fin d’après-midi s’adresse à moi : « Ta maman elle est en retard le soir pour venir te chercher »

-Une petite fille m’observe chercher vainement un jeu de dominos illustrés de cochons, elle me demande ce que je fais, je lui explique et elle me réplique alors : « Les cochons sont peut-être partis à la campagne ! »

-Une de mes petites élèves refuse de mettre en rang une fois la récréation finie, un autre de mes élève l’empoigne alors pour l’y obliger et ce dernier me dit : « Tu vois maîtresse je l’ai rangé ! »

-Une élève me dit que sa mère lui apprend à écrire en « cursive », je lui demande si sa maman est enseignante, elle me répond alors : « Elle ne peut pas, elle est en train de devenir un peu trop vieille ! »

-« Maîtresse, tu as mis de la peinture sur tes vêtements, ta maman elle va te taper ! »

-« Maîtresse, il est où le jeu ? »
-« Je l’ai mis hors de portée ! »
-« C’est où hors de portée ? »

-Mes collègues animateur me rapporte qu’un de mes élève a été foncièrement odieux durant les vacances scolaires qu’il a passé au centre de loisirs, j’interroge ce dernier sur son comportement : « On m’a dit que tu n’as pas été sage pendant les vacances, pourquoi ? »
-« Tu étais dans tes vacances, moi je voulais aller dans tes vacances mais je ne savais pas où c’était tes vacances ! »

-« Maîtresse, pourquoi tu nous donnes plein de travail et toi tu ne travailles jamais ? »

-Une fillette admire une de mes barrettes, une pince puis s’esclaffe : « Tu es belle avec ton crabe maîtresse ! »

-« Quand tu sera grande tu ira dans quelle classe maîtresse ? »

-Je demande à un élève quel est son âge et ce dernier me répond : « 3 heure et demi ! »

-Un élève de 4 ans s’observe sur un photo datant de quelques mois me dit : « Je ne me reconnais pas sur cette photo parce que j’étais jeune à ce moment là ! »

-« On n’en a pas beaucoup des « noeils », on n’en a que deux ! »

-Une élève après la lecture d’un album où il y a un boa : « Les boas, ils ne mangent pas les enfants pour ne pas manger les microbes ! »

-« Il faut bien se laver les mains pour ne pas attraper la gastro-numérique. »

-« Pour faire sortir ton bébé maîtresse, on peut ouvrir ton ventre avec un couteau et mettre du scotch après »

-« Pour être maîtresse il faut être maman »

-« Elle peut pas avoir d’enfant la maîtresse, c’est nous ses enfants ! »

-« T’as vu maîtresse, j’ai des nouvelles baskets qui courent vite ! »

mercredi 1 avril 2009

Il ne faut jamais dire jamais !

Pourtant je m’étais bien jurée de ne pas faire de mon bébé le centre de toute conversation mais……..elle occupe presque toutes mes pensées et fait des choses tellement exceptionnelles !Comment ça toutes les mamans saoulent leur monde avec leur môme ? Toutes n’ont pas un enfant aussi merveilleux que la notre, cela n’a rien à voir ! Je pensais vraiment éviter l’écueil de l’obsession parentale du « pipi-caca-a bien mangé » mais avec chéri on se surprend mutuellement à discutailler des couches plus ou moins pleines, d’un caca inquiétant qui tarde à venir ou qui sent le pop corn. Si, je vous assure, son caca sentait le jambon chaud, maintenant c’est le pop corn ! Il y a la couleur aussi qui monopolise l’attention, la couleur du caca bien évidemment, pourquoi jadis continuellement jaune moutarde à l’ancienne accompagnée de ses grains passe-t-il subitement au marron clair.Je crains que nos conversations n’intéressent plus autant nos amis surtout ceux dépourvu de petiots, sans compter que nous ne tarissons pas d’éloges sur les exploits de notre puce (saisie des peluches sur l’arche du transat, dégustation de Sophie la girafe etc). Bref nous sommes devenus les parents-gateux-chiants que nous avons jadis fuit, comme quoi, la roue tourne !

Certains auraient pu d’ailleurs jadis m’entendre dire « Les tétines, moi j’espère ne jamais en utiliser, c’est une solution de facilité pour parents débordés qui ne supportent plus les pleurs de leur enfant et qui cèdent à la facilité. Utiliser ces bouchons de plastique pour censurer la liberté d’expression de mon ange, il n’en est pas question ! » et c’est toute péteuse qu’aujourd’hui je sors la fameuse tétine pour assouvir le besoin de sucion de Lisa qui tête tout ce qui est à sa portée.

« Allaiter, moi jamais ! » pensais-je également, « Sacrifier ce symbole de féminité sur l’autel de la maternité ! Se transformer en vache laitière à notre époque, c’est archaîque ! » Sauf que maintenant j’aime pouvoir nourrir ainsi mon enfant et passer de jolis moments de corps à corps avec mon petit bout.

Et en tant qu’instit, combien de fois ai-je pu pester contre ces parents qui « parlent bébé » et aujourd’hui je surprend quotidiennement dans ma bouche des mots tels que « pipi, caca , dodo, doudou, pinpin » quand je ne suis pas en train de pousser de honteux « areu areu » et autres « gouzi gouzi ».

« Faire de ma fille une poupée, ça jamais. » m’étais-je fermement promis, « L’éduquer dans la vision sexiste qu’une fille doit d’abord être belle, la cantonner dans certains coloris, non ! » mais voilà que je m’aperçois que sa garde-robe est majoritairement rose et violette et que j’oriente même parfois les choix d’achats du papa de vêtements pour sa fille vers des ton plus « fille ». Si il n’avait pas été là parfois pour opter pour du vert ou du bleu nous aurions l’impression d’avoir une mini-barbie à la maison !
Quant aux choix sexistes de jeux, je constate amèrement qu’elle n’a pas encore de voiture mais croule sous les peluches, bon en même temps c’est pas ma faute si elle peut pas encore faire rouler de petites voitures et promis dès qu’elle en a l’âge je lui achète des mécanos et des legos !

Enfin je n’aurai jamais cru que je m’extasierai autant sur chacun de ses petits gestes, de ses petites mimiques ni combien je serai émue de voir mon homme s’occuper d’elle, je ne me lasse pas de voir ce grand bonhomme émerveillé devant ce petit bout de femme. Et c’est nous qu’on l’a fait !

La nuit du chasseur

Moi qui suis loin d’être une cinéphile convaincue, je viens de découvrir un petit bijoux cinématographique : « La nuit du chasseur ». Sorti en 1955, ce film est l’unique film en tant que réalisateur de Charles Laughton. Ce dernier a choisit le noir et blanc pour nous peindre un conte terrifiant teinté de religion et de merveilleux dans lequel le spectateur se trouve projeté par le prisme du regard de deux jeunes enfants.

Ben Harper commet un vol et ce « bon père de famille » confit le butin à ses deux jeunes enfants avant d’être arrêté. Harry Powell son partenaire de cellule, partira à la quête de ce magot juste après son séjour de prison. Revêtant tous les aspects d’un prêcheur fanatique, il retrouvera la famille Harper . Ce personnage terrifiant semblant possédé par le Mal poursuivra sans relâche les enfants …………………

Des plans magnifiques se succèdent dans ce film comme autant de tableaux riches en symboliques de lecture, tout est soigné, loin d’un parti pris réaliste, il s’agit de donner à ce récit un support iconographique poétique avec une esthétique particulière de l’ombre et de la lumière. Rien n’est laissé au hasard, c’est un vrai travail d’orfèvre .On est pris autant par l’histoire que par l’image.



The Night of the hunter
Usa, 1955
De Charles Laughton
Scénario : James Agee et de Charles Laughton (non crédité) d'après le roman de Davis Grubb
Avec Robert Mitchum, Shelley Winters, Lilian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce
Photo : Stanley Cortez
Musique : Walter Schumann
Durée : 1h33

Bébé cible

Je savais que les enfants étaient les cibles privilégiées des publicitaires notamment parce qu’ ils étaient de puissants incitateurs d’achats auprès de leurs parents mais j’ignorai avant d’être moi même projetée dans la maternité combien les futurs parents étaient des proies convoitées. Dès la salle d’attente de l’obstétricien magazines et prospectus font de l’œil à votre compte en banque en passant par votre cœur maternel pensant anesthésier ainsi votre cerveau.A peine avez vous franchit le seuil d’une maternité avec dans le bidou un bébé de quelques grammes que vous vous retrouvez les bras chargés d’une « valisette » pleine de publicités pour des produits d’hygiène pour bébé qui éditent un livret vous conseillant sur les premiers soins, pour des marques de jouets, pour des organismes de crédits ou encore des marques de voitures.

Votre fin de grossesse pourra être rythmée par des envoies de ce type si vous n’avez pas omis de remplir un papier pour recevoir ces précieux « cadeaux » ainsi que divers échantillons. A peine bébé extirpé de votre ventre la maternité vous remettra une seconde mallette contenant des échantillons de savon pour bébé, mais surtout plein de prospectus et quelques bons d’achats.Une célèbre marque de couche « p-----s » tire d’ailleurs très bien son épingle du jeux, elle est omni-présente dès les premiers jours de bébé c’en est flippant !Personnellement dans la maternité où j’ai accouché il y avait des affiches sur ces couches placardées à divers endroits, l’on nous fournissait gratuitement de ces couches à la maternité et l’horloge même de la salle d’accouchement nous permettant d’indiquer l’heure de la naissance était un support publicitaire de cette marque et je retrouve ces couches à la pmi qui les utilise……..de là à être convaincue qu’elles doivent être les meilleures pour les fesses de notre chérubin il n’y a donc qu’un pas ! Je ne sais si elles sont mieux, j’avoue oser depuis quelques jours utiliser celles d’une marque discount beaucoup moins chère et bébé ne semble pas y voir un inconvénient et mon porte monnaie ne s’en porte que mieux !

En outre les médias ont récemment mis au grand jour une polémique autour des produits de soins pour bébé présents dans ces valisettes, il semblerait qu’ils contiennent des produits susceptibles d’être cancérigènes. Je ne sais si ces craintes sont fondées mais j’avoue avoir été étonnée par l’attitude des auxiliaires de puériculture de la maternité qui à la fois diffusent ces produits gratuits auprès des jeunes mamans tout en déconseillant de les utiliser dans le premier mois suivant la naissance et incitant même à n’utiliser que de l’eau pour nettoyer les fesses de bébé durant les changes et d’utiliser le moins de produits possible.

Le parfum

« en ce XVIIIème s, l’activité délétère des bactéries ne rencontrait encore aucune limite aussi n’y avait-il aucune activité humaine, qu’elle fut constructive ou destructive, aucune manifestation de la vie en germe ou bien à son déclin, qui ne fut accompagnée de puanteur. »

Bébé non désiré, destiné à crevé au milieu des viscères de poissons sous l’étal de son infanticide de mère, bébé rejeté par une nourrice, un prêtre, une mère d’accueil ……..Né au milieu de la puanteur, curieusement dépourvu lui-même de toute odeur humaine, Jean-Baptiste Grenouille développera des capacités olfactives exceptionnelles, capable de distinguer mille et une odeurs. Il se passionnera pour la parfumerie dont il fera l’apprentissage. Vampirisé par les effluves de jeunes filles à peine pubères, il en deviendra meurtrier afin de mieux s’approprier et restituer leurs parfum.

Patrick Suskind nous livre le Paris du XVIII ème s sur un plateau de senteurs. J’ai lu ce roman à de nombreuses reprises et à chaque fois j’ai l’impression de prendre conscience de l’importance de l’odorat pour la première fois. C’est fou combien ce sens se fait discret, combien on l’oublie, combien il peut être éclipsé par les autres sens et pourtant….nombre de nos souvenirs et plaisirs d’enfance et d’adulte sont liés à l’odorat .

Les odeurs de ma ville

Ma ville sue de tous ses pores. Après une averse j’arpente ses trottoirs et j’en inspire à plein nez son odeur de chien mouillé, une odeur animale, presque terreuse, comme si la nature avait transpiré à travers cette peau de goudron. S’en suit une humidité que je ne saurais trouver ni désagréable ni plaisante mais qui est juste là, qui décolle du sol et se répand dans l’air puis m’enveloppe. Le sol parisien, pudique, ne se dévêtit guère et ne se présente que fort rarement dépourvue de son habit de bitume. L’odeur de goudron frais qui chatouille parfois mes narines m’avertie ainsi qu’une portion de rue enfile ses nouveaux atours. Je rapprocherai cette odeur de celle de pneus brûlés, du moins de l’odeur imaginée que je leurs attribue n’y ayant jamais été confrontée.
Ses commerces, ses installations me déroulent des rubans olfactifs au gré de mes flâneries piétonnières. Tantôt mon ventre se met à gargouiller sous les effluves de pains au chocolat ou de baguettes chaudes qui s’échappent d’une boulangerie. A d’autres moments ce sont les parfums floraux du fleuriste ou les odeurs lourdes des parfumeries qui me tirent de mes rêveries. Peuvent s’ajouter à mon itinéraire quelques senteurs plus industrielles, plus chimiques encore tels les effluves de discrètes stations services, mélanges peu ragoûtants d’essences, de gazole et d’émanations de pot d’échappement ou bien encore cette soudaine odeur de chlore qui m’indique la proximité d’une piscine.
Quand ma destination m’impose un mode de déplacement plus rapide je me laisse aspirée par quelques bouches de métro qui exhalent leurs haleines chaudes et poussiéreuses. L’atmosphère y est pesante surtout lorsque de grosses vagues de chaleur semblent avoir fait disparaître tout brin d’air. A cette aspiration succède un voyage ferré et sous terrain où chaque wagon m’offre des occasions de rencontres avec les senteurs du monde entier. Un véritable royaume olfactif m’ouvre ses portes sur une valse d’odeurs : le monoï de certaines chevelures côtoie les senteurs d’épices indiennes, de lourds parfums vanillés d’adolescentes, les odeurs de talc lavandé de vieilles dames, le menthol d’after-shave masculins …………Une odeur de remugle peut parfois émaner d’un vieux monsieur tout étriqué dans des vêtements passés. Submergée par une soudaine vague huilée écoeurante je peux alors tourner la tête et poser mon regard sur un couple d’adolescents caché derrière des hamburgers frites. Aux heures de pointes une proximité physique d’odeurs d’aisselles, de sueurs, d’urines, de souffles avinés ou encore de parfums bon marché s’impose violemment à moi. Des flots incessants de brises odorantes se mêlent, parfois dérangeantes, désagréables jusqu’au haut le cœur ou bien plaisantes, discrètes et à peine perceptibles, envahissantes jusqu’à la sensation d’étouffement, identifiables ou non, évocatrices de souvenirs ou senteurs nouvelles, les odeurs parisiennes ne me sont finalement jamais neutres.

De quoi je me mêle !

« RRRRHHHH !De quoi je me mêle ! »Combien de fois ai-je ainsi marmonné ou pesté intérieurement l’année dernière. Plus précisément dès l’instant où j’ai informé mon entourage qu’un trait rose apparaissant dans la fenêtre d’un test de grossesse allait changer ma vie pour toujours.
Dès lors j’ai eu droit à une kyrielle de conseils bien attentionnés, de commentaires qui vont de la précaution sanitaire au jugement quasi moral jusqu’aux idées les plus farfelues et tout cela évidemment sans jamais l’avoir demandé !
Faites un enfant et vous qui étiez transparente aux yeux de votre boulangère, de votre voisine ou des petites mamies côtoyant le même supermarché que vous, vous allez devenir le réceptacle involontaire d’années d’(in)expériences et de judicieux conseils que ces dames (car ces messieurs s’abstiennent généralement de ce genre de comportements, ils peuvent pas cumuler tous les défauts) ont glané ça et là et parfois, je pense, inventé !

Tout commence donc dès ce fameux trait rose, dès « l’annonce » pour certaines ou dès que la future progéniture commence à dilater son habitat provisoire et à rendre sa présence envahissante.Vous aurez droit quotidiennement aux « Vous êtes enceinte ? », et il faudra recourir à toute votre bonne éducation pour vous empêcher de rétorquer : « Non, j’ai des gaz ! » ou bien encore « Je digère lentement ! » ou « Attendre un enfant, mon dieu non ! Un petit chiot par contre ».Les hormones aidant et la joie de pouvoir vous entendre dire que oui vous êtes enceinte aideront à conserver la zen attitude.
De bonnes âmes vous avertiront de milles et un dangers guettant votre bébé en germe, s’alimenter devant autrui ne manquera immanquablement pas de mettre sur le tapis ce que vous devez ou ne devez absolument pas manger, vous en viendrez à regarder vous même chaque morceau de fromage d’un œil suspect, « pasteurisé » ou pas, telle est la question ! Chaque chat, morveux en bas âge ou vieillard toussotant dans le métro pourra être considéré comme un ennemi potentiel, la guerre est ouverte envers tout ce qui pourrait compromettre la bonne santé de votre future progéniture.Invitée chez des amis, stressée à bloc par tout ce que vous avez pu lire ou entendu dire ou cru avoir compris, vous deviendrez la chieuse de service.Vous êtes celle qui ne boit plus malgré les « un petit verre ça peut pas faire de mal », « un verre de vin ça donne des forces », »Ce n’est pas parce que vous buvez une coupe de champagne qu’il va naître avec le nez rouge »,ou encore « moi j’ai bu raisonnablement pendant ma grossesse et mes enfants vont très bien ». Vous êtes également celle qui reléguez les fumeurs sur les balcons et autres paliers. Si vous n’êtes pas immunisées contre la toxoplasmose, vous vous interrogerez sur le lavage des crudités proposées à la table de vos amis comme s’ils avaient coutume de servir en entrée « salade verte terreuse sur son lit de limaces », viandes et poissons devront également témoigner d’une cuisson hors de soupçon. Personnellement l’on m’a bienveillamment avertie de ne pas consommer de soda, ce dernier étant susceptible de provoquer des fausse couches , sans doute les gaz qu’ils contiennent et qui seraient sensés projeter bébé hors du nid ?
Si vous avez le malheur comme moi d’enseigner à de jeunes enfants, attention danger. Une gynécologue obstétricienne avaient même été extrêmement choquée que j’eusse même caresser l’idée de concevoir alors que j’étais instit, le spectre du « cytomégalovirus » allait planer sur ma grossesse sans compter toutes les maladies infantiles. Elle me conseilla donc de ne fréquenter que de loin les enfants en bas âge et s’étonna que je lui rétorque que je n’allais quand même pas repousser mes élèves de trois ans voir moins qui veulent un câlin ou qu’on lace leurs chaussures et que je ne pouvais pas les laisser se moucher dans leurs manches si ils ne savaient pas encore se moucher juste parce qu’il y avait genre une chance sur un million qu’ils soient porteurs d’un germe terrifiant.Plus drôle et moins dangereux l’on m’a également conté que les légendes populaires veulent que si l’on regarde trop une personne son enfant à naître peut lui ressembler ! Certaines ont sans doute ainsi justifié la ressemblance de leur rejeton avec le meilleur ami de leur conjoint ou voisin !
Bien évidemment face à ces innombrables dangers chacun vous dira à quel moment il est le plus « raisonnable » d’annoncer une grossesse, « ça porte malheur de l’annoncer avant le troisième mois » etc etc.
A l’approche du terme, si vous avez eu la chance d’avoir une grossesse sereine vous penserez être à l’abris de tout commentaire surtout que votre vie sociale se réduit parfois à peau de chagrin.Ce serait sans compter les coups de fils, mails et autres textos de votre entourage qui s’enquièreront quotidiennement de la venue au monde ou non du cher bambin, les « alors, toujours pas ? » risquent de vous mettre les nerfs en pelotes surtout si comme cela fut le cas pour moi bébé se prend pour Tanguy et reste au chaud au-delà du terme prédit.
Une fois bébé « enfin » là, vous serez alors soit dans votre bulle hermétique aux avis des autres ou au contraire friandes de conseils et absorberez la moindre idée qui semble pertinente sur la « bonne » façon de s’occuper du poupon tant attendu.Si vous avez le malheur d’allaiter vous offrirez là le bon prétexte à maintes idées reçues que ceux qui les véhiculent croient être scientifiquement attestées !Vous vous transformerez donc aux yeux des autres en « vache laitière », vous descendrez alors du rang humain au rang animal et l’on ne s’étonnerait pas moins de vous voir uriner sur le tapis du salon . Surtout que de « leurs temps » déjà cela ne se faisait plus……..de là à vous considérer comme une Amish refusant l’électricité il n’y a qu’un pas ! Votre inconscience pourra heurter certaines : « Si tu n’as plus de lait, ton bébé risque de mourir car il ne voudra pas du lait de pharmacie ! »……tous ces bébés morts pour avoir refuser de s’abreuver à l’industrielle mamelle pharmaceutique, c’est affligeant !On pourra également vous conseiller de « boire de la bière » car la levure ferait « monter le lait » et ainsi « gonfler » la poitrine………moi qui pensais que cela faisait juste uriner les supporters de foot entre deux voitures ! Il suffira d’un mouvement d’humeur de votre bébé pour que l’on vous soupçonne d’empoisonner votre enfant et l’on vous dira aimablement qu’il serait sans doute souhaitable d’aller voir un médecin pour savoir si votre lait est « bon », comme si il y avait des « bonnes » et des « mauvaise » laitières, mais pour juger, il y goûte le médecin ?Certains focaliseront et risquent de vous faire focaliser sur le poids de votre bébé : « Il n’a pas pris 100 g dans la semaine, êtes vous sure d’avoir encore du lait ?Vous ne pouvez pas voir si votre bébé boit ?Vous avez mangé équilibré, but assez ? » surtout que même dans le milieu médical qui serait plutôt enclin de nos jours à inciter à allaiter, peu s’y connaissent vraiment, les meilleurs conseils provenant bien souvent de méres ayant allaité et réussi leur allaitement. A l’inverse, ce nouvel engouement pour l’allaitement, « Néstlé vous rappelle même que la meilleure alimentation pour votre enfant est le lait maternelle » peut-on même étrangement voir affiché sur les murs de certaines PMI,pourrait vous faire culpabiliser si vous optiez pour un bib de lait en poudre « Comment tu ne le nourris pas ! ».
Bon nombre de domaines sont encore sujets à polémiques comme le sommeil, et chacun y va de son avis : « il faut suivre le rythme du nourrisson », « il faut que le bébé s’adapte au rythme de ses parents et non l’inverse », « Il faut laisser le bébé pleurer jusqu’à ce qu’il s’endorme, ça l’aide à trouver le sommeil, à décharger de l’énergie », « Il faut le laisser pleurer, il se fait la voix, les poumons », »C’est inhumain de laisser pleurer un bébé, il perd confiance en ses parents, il a besoin d’être sécurisé »…………Faut il le coucher sur le côté, sur le dos, tétine ou pas tétine, doudou ou pas doudou,crèche ou nounou, lingettes ou pas lingettes…………Dur dur d’être parents débutants !

Deux ans déjà!

Je t’ai quitté il y a plus de deux ans et tu me manques encore un peu. J’ai gardé de toi quelques souvenirs sensuels. Je me souviens combien mon désir te faisait te tendre vers moi. Mes doigts se glissaient doucement vers toi et t’enserraient. D’un geste expert j’allumais l’instrument de mon plaisir dont l’extrémité se mettait à luire. Ma bouche avide s’en emparait alors pour en aspirer goulûment la substance offerte qui se frayait un chemin au fond de ma gorge. J’en ai avalé…………….de la fumée durant 17 ans, j’en ai remplis des cendriers ! Je t’ai prise en bouche plus de 25 fois par jour.

Tu as été la compagne fidèle de mes jours et de mes nuits. Tu m’as donné de la contenance lors de mes soirées d’adolescentes, quand collégienne puis lycéenne j’attendais mon bus avec mes copines en parlant des garçons qui étaient vraiment trop ………..ou vraiment pas assez ! Tu as accompagné ma vie d’étudiante, les pauses clopes entre deux cours dans les couloirs de la Sorbonne qui ne t’avait pas encore fermé les portes. J’en ai vidé des paquets dans les cafés de la place Saint-Michel qui accueillaient mes lectures, dans le cendrier près de l’ordinateur qui absorbait et conservait pas à pas mes pensées qui allaient s’imbriquer pour construire mon mémoire. Tu étais là encore lors de mes débuts d’enseignante, cigarettes consommées à la sauvette fuyant le regard déjà culpabilisateur de mes petits élèves. Tes bouffées de fumée ont jalonnées mes errances de jeunes célibataire de soirées tv à pseudo-histoires d’amour en passant par les interminables soirées entre copains où l’on refait le monde.

Lorsque j’ai rencontré mon amoureux tu faisais encore partie de ma vie. Il n’a pas essayé de te faire partir, il m’a accepté moi et mon statut de fumeuse. Tu t’es imposé à lui alors que lui-même avait arrêté de fumer depuis plusieurs années. Tu lui en a fait voir pourtant rendant âpres mes baisers, envahissant la table de nuit de tes mégots , enfumant notre petit espace.
Puis peu à peu je me suis dis qu’il fallait que je te quitte mais pas juste pour quelques mois comme je l’avais déjà précédemment fait. Il fallait que tu sortes définitivement de ma vie toi et l’odeur de cendrier froid qui empestait l’appartement, toi et tes dépôts de goudron et de nicotine dans mes poumons et sur ma peau. Il fallait prendre une décision d’adulte, quitter ta béquille perfide et te jeter à la poubelle. Il fallait que je t’écrase et que je n’y revienne plus.Le cancer et les diverses maladies pulmonaires qui me pendaient au nez commençaient à me faire flipper. Tes consoeurs m’avaient enlevé prématurément ma marraine et je ne voulais pas que tu amputes ma vie. Non seulement tu hypothéquais ma santé mais également mon compte en banque Salope qui m’a coûté près de 200 euros par mois !

Aujourd’hui mes murs sont repeints et ne jauniront plus sous tes nuées toxiques, mon amoureux peut apprécier le goût de mes baisers et tu ne me gâches plus la saveur de mes aliments.
Bien sûr tu me fais encore de l’œil parfois tel un ex-copain qui aurait du mal à faire le deuil d’une histoire passée. Tu me guettes au bout des doigts d’un ami, aux bords des lèvres d’un passant ou te consumant dans le cendrier d’un café. J’espère que ma raison aura toujours le dessus et que je saurais résister à tes avances aguicheuses tentatrice perfide et morbide !

Sympas les copines !!

Ce qui est beau dans l’amitié féminine c’est la capacité à se réjouir du bonheur des autres ! Extraits de conversations imaginées plus qu’imaginaires entre B et O (jeunes femmes célibataires) au sujet de D ( leur « meilleure amie » vivant en couple depuis deux ans et récemment fiancée à P) :

B - « Tu trouves pas qu’on la voit moins D en ce moment ? »
O - « Ouais, elle doit toujours être fourrée avec P , moi qui la croyait INDEPENDANTE ! Pfffffffffffffff !!!!! »
B- « Tu te rends comptes qu’à ma dernière soirée elle n’est restée que CINQ HEURES ! »
O- « C’est pas vrai, j’hallucine ! »
B- « Remarque, tu sais quoi ! Et ben l’aut jour, ça faisait quoi …….genre une heure trente qu’on était au téléphone et elle m’a dit TEXTO….. »
O- « Heu, elle t’as écrit un texto ? »
B- « Non, elle m’a dit CASH ….. »
O- « Bah, pourquoi elle t’as dit ça ? »
B- « Vas-y laisse moi finir ! Bon, elle m’a dit DIRECT …… »
O- « J’comprends rien, elle t’as dit TEXTO, CASH ou DIRECT ? »
B- « Tu crains, des fois tu crains !!! Donc, ça faisait qu’une heure trente qu’on était au tel. Tu vois je lui racontais pour F que d’accord c’est un connard, d’accord il se fout de ma gueule, bon ok il est marié et il a 80 ans mais bon je l’aime tu vois. Enfin j’pense, enfin j’crois, j’sais pas en même temps ! J’lui disais ça quoi ! Ben tu sais pas c’qu’elle m’a dit ? »
O- « DIRECT ? »
B- « Ouais DIRECT ! »
O- « Bah je vois pas ! »
B- « Ben elle m’a dit FAUT que je te LAISSE , P est là et on va DINER !! »
O- « Sans dec !!! Ils dînent ensemble à une table et tout et tout, des vrais trucs qu’ils cuisinent ? »
B- « Ouais, t’imagines !! Et le pire tu vois c’est qu’elle peut même plus MANGER EN PARLANT AU TELEPHONE !!! Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre. C’était sous-entendu mais bon j’suis une fille, j’ai un SIXIEME SENS ! »
O- « C’est pas vrai, il l’EMPECHE ! »
B- « Bah ouais j’pense. Attends sinon pourquoi elle aurait pas continué à m’écouter ? »
O- « C clair ! Y a même B qui m’a dit qu’elle partirait même pas avec NOUS cet été, qu’elle partait avec LUI ! »
B- « La vache, ça doit être un intégriste ou un truc du genre ! »
Bip bip bip
O- « ‘tain c’est mon tel qui sonne : « Allo D, ma chérie, comment tu vas ? Je suis avec B à une terrasse. Tu es où ? Tu déjeunes sur une péniche en amoureux pour l’anniversaire de votre….premier baiser. C’est un cadeau surprise de P. On se voit jeudi pour une piscine avec B, ok !! »
O et B d’une seule voix : « Comment elle a trop d’chance ! »

LOL

Persécutée par quelques craies grasses et un oreiller !

Le combat se déroula en deux rounds avant que je ne perde par ko !

La première fois j’y allais confiante. Le temps maussade ne me permettait pas de me passer de lui. Il m’accueillait chaleureusement, s’ouvrant à moi dans toute sa rondeur. J’y déversais comme à l’accoutumée mon linge humide, propre, embaumant l’assouplissant. Je lui confiais ainsi quelques éléments précieux et intimes de ma vie : un jean, des hauts qui datent un peut mais auxquels je tiens, de la lingerie, les dessous de mon amoureux, ses chemises de boulot………….

Une fois mon obole versée à la centrale, la machine démarre. Mon regard se fixe alors de manière hypnotique sur la valse tourbillonnante de mon linge derrière le hublot. Les tissus s’allègent progressivement du poids de l’eau, se gonflent comme des voiles et mêlent leurs couleurs.
La sonnerie de mon portable retentit : c’est M qui me raconte les dernières trouvailles de son fils ado qui lui met la tête à l’envers. De quoi m’occuper amplement durant le temps de séchage ! 20 minutes compatissantes plus tard mon linge était sec. D’un coup d’épaule je coince mon portable contre l’oreille afin de continuer ma conversation. J’ouvre le hublot, l’haleine brûlante de la machine souffle sur mon visage et me fait reculer d’un pas. Le tambour chaud vibre encore tel un cœur battant qui ralentit sa course de vie. Mes mains se tendent vers lui afin de récupérer mon bien sec et tiède.
J’attrape les vêtements à tâtons puis les glissent machinalement dans le sac prévu à cet effet quand quelque chose attire mon attention et me fait brusquement couper court à ma conversation. P ----- de M---- ! Cette maudite machine a profité de mon inattention dû à mon coup de fil pour faire entrer un troll par le hublot et il a crayonné toutes les fringues !

Pas un vêtement qui n’ait été couvert de jaune, de vert et de rouge : « NON mais c’est quoi ça ? » Je ramasse mon linge honteusement et furieusement en découvrant les chemises blanches de boulot de mon homme complètement bariolées ! Je trouve alors, me narguant au fond du tambour……………les trois craies grasses que N avait dérobées dans sa classe et que je lui avais confisqués pendant la récréation ! Oups ! Je crois que j’ai oublié de vider mes poches !

La seconde fois, étant bien entendu que l’on ne m’y reprendrai plus, j’avais bien pris soin d’ôter mouchoirs, crayons et autres pièces de monnaie de mes poches.
Face à l’engin, les yeux dans le hublot je le tançais de mon regard qui tue. D’une main de maître je lui faisais ouvrir sa porte . Avant d’y glisser serviette de toilette, vêtement et oreiller, mes yeux et mes mains y fouillent l’intérieur afin d’en retirer tout objet intrus susceptible d’endommager mon bien. Rien, nul crayons, nulle craie, pas même une tite bouloche ! Rassurée j’y introduis mes linges humides. Et recommence alors le ballet familier, l’oreiller s’y déploie dans un duo insolite avec mes chaussettes . Au bout de dix minutes de cette chorégraphie se déroulant sans heurt je décide de faire confiance à la machine et m’en vais faire une brève course.
Heuuuuuuuuu en fait j’aurai pas dû ! A mon retour plus de ballet léger de voiles entremêlés ………………………………..mais une avalanche de boules de mousse !! La fermeture de la taie s’était déchirée et avait répandu son contenu qui gonflé par cette satanée machine en emplissait intégralement le ventre. Evidement lorsque j’ouvris le hublot, le séchoir m’y cracha à la face une partie de son contenu et voilà mon blouson et le sol de la laverie recouvert de flocons synthétiques ! Un grand moment de solitude ……... 20 minutes pour enlever ce que j’ai pu de la machine et de ce qui jonchait le sol et je m’esquivais sans demander mon reste en fuyant le regard culpabilisant de mon confrère de laverie.
« Chéri, cette fois-ci ta chemise de boulot est revenue aussi blanche que je l’y ai amené ……..par contre, comment dire, mon oreiller s’y est attaché ! » Il lui arrive jamais rien à lui quand il y va à la laverie, c’est pas juste !

L'école est finie!

Vendredi 06 juillet 2007 à 16h30 : bouquets de fleurs, bisous baveux et boîtes de chocolats ponctuent les derniers aurevoirs. « Vous partez en vacances ? Vous serez là l’année prochaine ? Merci pour cette année. » Des bisous s’envolent jusque sur le trottoir. Retour dans la classe pour quelques derniers rangements, les murs fissurés sont dénudés des peintures bariolées des enfants qui les réchauffaient. Les casiers sont vides, la boîte à doudous est prête à accueillir les nouvelles peluches qui s’y déverseront dès la rentrée mais la classe s’est vidée pour les vacances des éclats de rires des enfants. Légos, petites voitures, maisons de poupées et autres fermes attendent sagement d’être briqués, débarrassés des griffures de crayons de couleurs, de craies, de pâte à modeler y résidant depuis des mois sans qu’on ait parvenu à l’en déloger ou encore punaises volées plantées là par des petites mains habiles. Depuis des jours déjà cela sentait là fin malgré le temps maussade qui nous rappelait plutôt certains mois d’automne. Le vide commençait à envahir les classes, les sacs poubelles s’amoncelaient plein de dessins anonymes jamais réclamés par leurs auteurs, de crayons de couleurs et de feutres ayant rendu l’âme. Nos petits élèves avaient déjà rapporté chez eux cahiers et peintures fièrement comme l’on rapporte un trophée, certains pliant sous le poids de leurs travaux d’une année mais refusant d’être aidé et prenant autant de soin à les porter qu’on le ferait avec un nouveau-né. Restaient encore quelques photos du premier trimestre où mes élèves arboraient plus encore des joues pleines d’enfants à peine sortis de la crèche.
Et une année scolaire de finie, une ! 27 petits loupiots avec lesquels j’aurais fait un petit bout de chemin dans leur vie et leur scolarité. 27 paires de parents (ou presque) avec lesquels j’ai été pour certains un allié dans l’éducation de leur enfant, pour d’autres le seul lien social. Des sourires et des larmes du côté des enfants comme de celui des parents, des confidences et de la confiance mais aussi beaucoup d’angoisses . Toutes les émotions de la vie sont présentes à l’école et tous les bonheurs et les joies aussi. C’est toujours émouvant les fins d’années, on fait le bilan et on se rend compte du chemin parcouru avec nos élèves, on a souvent tendance à oublier les difficultés premières que l’on a eu avec eux ou combien on a du mettre d’énergie pour les en sortir, pour apprivoiser certains parents complètement réfractaires à l’école…..on a un peu les yeux qui brillent parfois en salle des maître quand on évoque avec ses collègues tel ou tel enfant, parents ou situation familiale. Moi cette année j’ai eu le petit R 4 ans, parents russes sans aucun lien avec l’extérieur, pas de famille en France, pas d’amis, travaillant chez eux. L’enfant pourtant déjà scolarisé l’année dernière n’était pas propre, ne parlait pas (pas même dans sa langue maternelle) , ne participait à aucune activité et se déplaçait très souvent à quatre pattes. Nous sommes censés aidé les enfants à devenir des élèves et ce en les épanouissant , heuuuu là j’ai eu du taf. Pas facile de communiquer avec les parents qui évidemment trouvaient que tout allait bien, j’en ai mis du temps et de la patience tant avec l’enfant que les parents, si il avait fallut que je marche sur les mains pour qu’il parle ce môme je crois que je l’aurais fait ! J’en ai fait des jeux, des grimaces et des chatouilles à ce gamin pour qu’il me voit et communique, j’y ai joué à la petite voiture à quatre pattes sur le sol sous le regard ébahis des autres élèves. . Finalement il s’est ouvert aux autres, à moi, ses parents ont accepté de le faire suivre par une orthophoniste . R s’est mis à parler au troisième trimestre et je me suis même surprise à lui dire « Chut R parle moins fort tu déranges tous le monde ». Jeudi, à la veille des vacances, alors qu’il était en train de construire une super maison légo immense géante, il s’est arrêté brusquement de jouer, m’a regardé fixement puis m’a hurlé : « Maîtresse, je t’aime !!! ». J’en ai encore emmagasiné des tas de beaux moments cette année dans ma boîte à souvenirs de maîtresse d’école ! Cela fait six ans que j’enseigne et malgré les difficultés croissantes que l’on rencontre, la violence présente dès le plus jeune âge, l’hostilité de certains envers l’école et les enseignants …..je ne regrette pas de faire ce métier ni aucune des rencontres d’enfants que j’y ai faite. Je grandis avec eux chaque année autant qu’ils grandissent avec moi.

Il fallait bien que ça arrive un jour!

Et voilà, il fallait bien que ça arrive un jour…....il fallait bien qu’un jour je cède à la tentation d’avoir mon propre blog !Il faut dire que depuis que mon cher et tendre a le sien, j’ai été maintes et maintes fois tentée sans oser franchir le cap.C’est chose faite !
Cela fait déjà quelques années que j’égraine ça et là sur la toile quelques commentaires et autres billets d’humeur, ce blog permettra de les regrouper et de m’offrir un espace de parole plus large et personnel, et qui sait sera peut être l’occasion d’échanges fructueux avec d’autres internautes !

Voici pour les prochains posts quelques anciennes bafouilles en attendant de plus fraîches.