mercredi 1 avril 2009

Les odeurs de ma ville

Ma ville sue de tous ses pores. Après une averse j’arpente ses trottoirs et j’en inspire à plein nez son odeur de chien mouillé, une odeur animale, presque terreuse, comme si la nature avait transpiré à travers cette peau de goudron. S’en suit une humidité que je ne saurais trouver ni désagréable ni plaisante mais qui est juste là, qui décolle du sol et se répand dans l’air puis m’enveloppe. Le sol parisien, pudique, ne se dévêtit guère et ne se présente que fort rarement dépourvue de son habit de bitume. L’odeur de goudron frais qui chatouille parfois mes narines m’avertie ainsi qu’une portion de rue enfile ses nouveaux atours. Je rapprocherai cette odeur de celle de pneus brûlés, du moins de l’odeur imaginée que je leurs attribue n’y ayant jamais été confrontée.
Ses commerces, ses installations me déroulent des rubans olfactifs au gré de mes flâneries piétonnières. Tantôt mon ventre se met à gargouiller sous les effluves de pains au chocolat ou de baguettes chaudes qui s’échappent d’une boulangerie. A d’autres moments ce sont les parfums floraux du fleuriste ou les odeurs lourdes des parfumeries qui me tirent de mes rêveries. Peuvent s’ajouter à mon itinéraire quelques senteurs plus industrielles, plus chimiques encore tels les effluves de discrètes stations services, mélanges peu ragoûtants d’essences, de gazole et d’émanations de pot d’échappement ou bien encore cette soudaine odeur de chlore qui m’indique la proximité d’une piscine.
Quand ma destination m’impose un mode de déplacement plus rapide je me laisse aspirée par quelques bouches de métro qui exhalent leurs haleines chaudes et poussiéreuses. L’atmosphère y est pesante surtout lorsque de grosses vagues de chaleur semblent avoir fait disparaître tout brin d’air. A cette aspiration succède un voyage ferré et sous terrain où chaque wagon m’offre des occasions de rencontres avec les senteurs du monde entier. Un véritable royaume olfactif m’ouvre ses portes sur une valse d’odeurs : le monoï de certaines chevelures côtoie les senteurs d’épices indiennes, de lourds parfums vanillés d’adolescentes, les odeurs de talc lavandé de vieilles dames, le menthol d’after-shave masculins …………Une odeur de remugle peut parfois émaner d’un vieux monsieur tout étriqué dans des vêtements passés. Submergée par une soudaine vague huilée écoeurante je peux alors tourner la tête et poser mon regard sur un couple d’adolescents caché derrière des hamburgers frites. Aux heures de pointes une proximité physique d’odeurs d’aisselles, de sueurs, d’urines, de souffles avinés ou encore de parfums bon marché s’impose violemment à moi. Des flots incessants de brises odorantes se mêlent, parfois dérangeantes, désagréables jusqu’au haut le cœur ou bien plaisantes, discrètes et à peine perceptibles, envahissantes jusqu’à la sensation d’étouffement, identifiables ou non, évocatrices de souvenirs ou senteurs nouvelles, les odeurs parisiennes ne me sont finalement jamais neutres.

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