samedi 27 février 2010

Enfance des champs contre enfance des villes?

je viens d'achever la lecture de
l'enfant dans la ville
de Françoise Dolto, Mercure de France, Le petit mercure,1998

Résultant d'une conférence et d'un interview, dans cet ouvrage Françoise Dolto se penche sur les problématiques spécifiques à l'enfance vécue en ville.Ce sujet m'intéresse pour bien des raisons, je suis d'abord moi même le résultat d'une enfance passé en ville,(née d'un père venant de la campagne et d'une mère pur produit citadin), j'enseigne à des enfants (pour la plupart nés en ville) au sein d'une école parisienne et......je suis maman d'une petite fille née à Paris qui a priori vivra plus son enfance en ville qu'à la campagne!
Bien des raisons qui m'ont fait m'intéresser aux "troubles" spécifiquement citadins dont pourraient souffrir les enfants élevés loin des veaux,vaches,cochons..........en même temps, avec le salon de l'agriculture porte de Versailles!


Dolto commence tout un bla bla sur l'importance du langage, « C'est par le langage que l'enfant s'inscrit au monde », c'est en parlant à l'enfant, en lui expliquant son environnement qu'il arrivera à le décoder et à s'y insérer, à l'assimiler.Elle fustige l'utilisation exclusive en ville de l'automobile qui fausse la relation au monde extérieure de l'enfant, qui lui montre une vision insécurisante du milieu urbain. Pour elle, vouloir confiner l'enfant au sein du cercle familial, en le privant d'autonomie, sous prétexte de le soustraire du danger de la rue, ne le protège en rien mais le rend inapte à la vie en ville, un véritable phobique social. Je suis d'accord avec cela, et je sauterai même de l'automobile à la poussette. Combien de parents véhiculent-ils leurs enfants de 2,3,4 voir 5 ans d'un lieu à un autre en poussette!Sous prétexte d'aller plus vite comme si leur vie, voir l'avenir du monde dépendait à la minute de leur arrivée à la supérette du coin (ouverte jusqu'à 22h à Paris!), ou alors jugeant le chemin école/maison (rarement plus de 15mn à pieds vu les découpages des cartes scolaires par arrondissement) trop long! Quand j'emmène mes élèves en sortie je suis souvent effarée de constater qu'ils ne savent pas marcher, au bout de 10mn il y en a un qui a marché dans une crotte de chien, un autre qui s'est pris un poteau, un troisième qui manque de renverser une poubelle...Ils ne regardent pas où ils vont, ils semblent hermétiques visuellement à leur environnement, je suis parfois obligé de leur décrire le "décor": attention peau de banane ou crotte de chien, une voiture est garée sur le trottoir, nous allons devoir la contourner, faites attention à la dame avec la poussette....Je me demande comment ils se déplacent avec leurs parents , certains sont sans doute trimbalés de mains d'adultes en mains d'adultes sans langage posé sur ces déplacements et sur la manière de marcher en ville, d'autres donnent vraiment le sentiment de ne sortir jamais......Ils n'ont pas appris à voir leur monde.
Dolto conseille d'ailleurs ne laisser de l'autonomie à l'enfant même jeune, de le laisser apprivoiser la ville, de lui lâcher la main sur le trottoir, de progressivement le laisser faire des trajets seul......J'avoue avoir très fortement conscience de cela et dès que je le peux je lâche la main de Lisa sur le trottoir et là elle découvre émerveillée le léchage de vitrine derrière laquelle parfois se cache un chien, un gâteau ou pour son plus grand bonheur "du pain!". je ne sais pas si j'arriverai à la laisser chercher le pain à 6 ans seule sans trembler d'effroi mais j'espère que nous lui aurons donné avec son père à ce moment là assez d'autonomie , de confiance en elle et d'informations afin qu'elle puisse contourner les dangers de la rue et de ses rencontres. D'ici là je l'aurai sans doute bien abreuvée de "contes d'avertissement" cf post précédent.

Selon Dolto, vivre à la ville priverai les enfants des manipulations et du "faire" qui leur permettrai une véritable appréhension et compréhension du monde: « Dans les villes, à l'heure actuelles, les expériences sont presque toujours réduites à voir et entendre. On regarde la télévision, on regarde maman faire la cuisine, mais il y a très peu d'enfants à qui la maman laisse le couteau et les pommes de terre à éplucher, comme elle l'aurait fait autrefois. A présent tout est automatique, et l'enfant pourrait tout aussi bien être un dauphin. Pas besoin d'avoir des mains, étant donné la vie que nous menons dans les villes!N'oublions pas que ce qui fait l'intelligence de l'homme, c'est pour beaucoup celle de ses mains. Il faut donc donner à tout enfant la possibilité de tout manipuler et de verbaliser ses actes. (…....)Le dire doit être clairement distingué du faire. ». Je suis d'accord avec le fait que l'enfant doit participer à la vie de famille et ses tâches matérielles pour en faire partie intégrante et comprendre le monde (en plus ça m'arrange Lisa vide déjà le lave_linge à 18 mois alors à 3 elle est bonne pour la vaisselle!). Quand je fais un gâteau avec mes élèves je suis parfois sidérée qu'ils ne sachent même pas nommer des ustensiles ou des ingrédients simples, quand j'entends comme dernièrement devant une image d'une vache qu'on traie "elle fait pipi", quand je vois des élèves considérer comme presque magiques des portes du métros et rester figés devant elles au point que je sois obligé de les pousser dans le wagon pour qu'on ne rate pas la rame...... Ça m'interpelle, mais aujourd'hui ne trouverai-je pas ce genre d'attitudes ou de propos chez des élèves élevés à la campagne? Les milieux ruraux bénéficient autant de produits alimentaires finis provenant des super-marchés,combien de parents y font-t-ils eux-même la cuisine devant et avec leurs enfants? Avant certainementles enfants d'éleveurs participaient à la traites des vaches, aux soins des animaux,qu'en est-til aujourd'hui? Le nombre d'éleveurs et d'agriculteurs se réduisent comme peau de chagrin dans nos campagnes et avec la mécanisation qui déshumanise la traite et la scolarisation pour tous, combien d'enfants vivant en milieu rural côtoient véritablement le monde animal, végétal en l'observant, en ayant les connaissances pour l'appréhender comme l'avaient leurs ainés qui vivaient plus au rythmes des saisons qu'eux, qui recevaient un héritage de savoirs de leurs grands-parents. Alors, histoire de milieux rural/urbain ou histoire d'époques, de modes de vie, de places de l'enfant, de temps.......


Elle en fustige en tout cas la mère Dolto des comportements familiaux qu'elle attribue au milieu urbain: solitude imposée à l'enfant par des parents vampirisés par leur travail alors qu'à la campagne selon elle la présence d'animaux la contre balancerait, manque de sécurisation de l'environnement par manque de communication, logement exiguë qui brouille parfois les places des uns et des autres,scolarisation trop précoce d'enfants de moins de trois ans qu'on essaye de dresser à la propreté alors qu'ils ne sont pas prêts (d'après elle les conséquences seront désastreuses pour leurs confiances en eux, leurs rapports à l'adulte, à leur corps, à leur sexualité...). Elle va jusqu'à insinuer que certains comportements plus prégnant en milieu urbains fabriqueraient de la maladie mentale:Et quand on nous dit sur les écrans et à la radio que naît un enfant handicapé mental toutes les vingt minutes, c'est faux. Il naît toutes les vingt minutes un enfant dont la société va faire un handicapé social et mental, c'est tout à fait différent! 
Et ceci est spécifique des villes, mais n'existe pas dans cette proportion à la campagne, où la fréquentation des uns avec les autres et une connaissance du langage acquis et des moeurs habituelles du groupe permettent à l'enfant une meilleure insertion. ». Certes mon père m'a bien raconté l'intégration angélique d'enfants "attardés" qu'on scolarisait jusqu'à pas d'âge avec les "autres" et avec qui cela se passait bien (il y a plus de cinquante ans)mais pour combien de filles "simplettes" engrossées ou d'hommes "attardés" exploités dans les fermes, leur vie n'aurai certes pas été meilleure en ville mais de là à idéaliser la solidarité rurale.......

Je ne crois pas que mon enfance aurai été meilleure ou pire à la campagne ni celle de ma fille, j'aurai peut être fait plus d'équitation que de nages en piscine, plus de vélos que de métros, plus de pique-niques que de restos, vu plus d'animaux en vrai que dans les livres et encore........ En tous les cas je crois que ce qui importe c'est d'être bien dans le milieu où l'on est qu'il soit urbain ou rural, que les parents arment suffisamment leurs enfants pour qu'il puisse y vivre sans eux, et au besoin en changer si ils n'y sont pas heureux plus tard, sans être complètement déstabilisés. Ma fille sera-t-elle aussi manuelle qu'un enfant élevé à la campagne? Certainement plus qu'un enfant plaqué devant la télé par des parents agriculteurs débordés et déprimés par la crise et peut être moins que l'enfant d'un ébéniste ou un chef, d'un peintre partageant sa passion....

l'enfant ne choisit pas le milieu où il nait mais nous adultes dans une certaine mesure nous l'avons choisit alors à nous d'avertir nos enfants des travers et dangers de celui-ci mais surtout de lui faire découvrir ses beautés, ses intérêts, et leur faire découvrir l'existence d'autres univers qui seront peut être le leur un jour!

En n'oubliant pas comme nous le rappelle Dolto que nous sommes mains et langage!

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